En raison de l’obligation de fermeture qui leur est imposée, beaucoup d’indépendants et de commerçants se trouvent aujourd’hui dans l’incapacité financière de payer leur loyer. Pour la Fédération Patronale Interprofessionnelle SDI, les commerçants impactés peuvent invoquer le fait du Prince pour suspendre le paiement de leur loyer. Le Service Juridique de la fédération a par ailleurs mis au point un modèle de courrier à adresser par les commerçants à leur bailleur.
En principe, les mesures légales récentes destinées à limiter la propagation de l’épidémie de coronavirus ne prévoyant pas de report ou de suspension des loyers, ces loyers restent dus par le locataire.
Cependant, la jurisprudence estime qu’un débiteur peut se prévaloir de la force majeure pour se libérer de son obligation. C’est ainsi que la Cour de cassation a jugé que « La force majeure, qui empêche une partie de remplir ses obligations, suspend l’exécution de tous les engagements nés d’un contrat synallagmatique, lorsque cet empêchement n’est que temporaire et que le contrat peut être utilement exécuté après le délai convenu » (Cass., 13 janvier 1956, Pas., 1956, I, p. 460).
Pour le SDI, l’obligation de fermeture de leur établissement imposée par les pouvoirs publics aux locataires commerciaux est susceptible de constituer un cas de force majeure dénommé “fait du Prince”.
Le fait du Prince est l’intervention d’une autorité publique qui a pour effet d’empêcher juridiquement des contractants d’effectuer les prestations auxquelles ils sont tenus contractuellement. Dans son arrêt du 18 novembre 1996, la Cour de cassation a ainsi jugé que « Le fait du Prince est, à titre de cause étrangère, libératoire lorsqu’il constitue un obstacle insurmontable à l’exécution de l’obligation et qu’aucune faute du débiteur n’est intervenue dans la genèse des circonstances réalisant cet obstacle (art. 1147 et 1148 du code civil) ».
Pour le SDI, et sous réserve de clause contraire dans le contrat de bail, ce fait du Prince empêchant les commerçants de jouir de leur bien a pour effet de suspendre leur obligation de payer les loyers pendant toute la durée de l’obligation légale de fermeture.
Le SDI précise que, pour pouvoir invoquer cet argument, l’interdiction d’exploiter doit être totale. Cela signifie que la suspension des loyers n’est pas applicable aux établissements qui continuent à fonctionner partiellement, en cas par exemple de livraisons, de take away ou de click and collect.
Enfin, une fois la période d’interdiction terminée, le locataire sera à nouveau tenu de régler ses loyers.
Le SDI indique que pour bénéficier de cette possibilité, il y a lieu pour le locataire concerné de contacter son bailleur pour lui demander de suspendre ses appels de loyers et des charges pendant la période de fermeture obligatoire.
En pratique, le Service Juridique du SDI a mis au point un courrier type à adresser à son bailleur par un locataire obligé de fermer son établissement en vertu des mesures gouvernementales. L’objectif de ce courrier est d’informer le bailleur de la situation dans laquelle se trouve le commerçant, à savoir l’incapacité d’assurer le paiement de son loyer en raison de l’interruption forcée de son activité, et de lui demander de suspendre ses appels de paiement des loyers et des charges.
Bien que l’argument du “fait du Prince” lui semble avéré et donc parfaitement plaidable, le SDI précise cependant que, si le bailleur refuse la demande, seules les juridictions compétentes pourront se positionner sur le fondement de la force majeure invoquée par le locataire.
0 commentaires